À propos de la révolution,

Tarek Heggy
2011 / 5 / 18


I – Les faits



Quand un grand nombre de citoyens y participent, quand les effets engendrés sont considérables, quand il mène à des changements majeurs dans la réalité quotidienne, un mouvement de masse ou un simple mouvement populaire atteignent un point tel qu’ils ne peuvent être appelés que révolution. Et il ne fait aucun doute que le nombre d’Égyptiens et d’Égyptiennes, qui ont participé au mouvement lancé le 25 janvier 2011, n’était pas seulement grand, mais le plus grand à maints égards. Ainsi, le nombre de manifestants appelant au changement ne se limitait pas seulement au million d’Égyptiens et d’Égyptiennes réunis place Tahrir – et ce pendant plusieurs jours mais atteignit plus de 10 millions de citoyens sur quelques jours à travers toute l’Égypte. Toutes proportions gardées, on peut affirmer que la foule descendue pour réclamer le changement il y a quelques semaines dépassait de loin celle de la révolution de 1919, mais aussi celle descendue pour soutenir le mouvement militaire du 23 juillet 1952, ou celle qui a mis fin à l’ère soviétique dans tous les pays de ce qu’on appelait alors l’Europe ou le Bloc de l’Est. Par conséquent, d’un point de vue quantitatif, il est clair que nous avons été témoins du plus grand mouvement populaire dans l’histoire de l’Égypte contemporaine et d’un des plus grands mouvements populaires dans l’histoire mondiale depuis les deux derniers siècles.



Quant aux conséquences de ce mouvement, il ne fait aucun doute que ce qui a débuté en Égypte le 25 janvier 2011 a engendré – et continue d’engendrer des changements majeurs et radicaux dans la vie du pays, et notamment le renversement des responsables à la tête du régime, de ceux qui ont gouverné l’Égypte de manière toujours plus tyrannique durant trente ans pour atteindre ces dix dernières années une des pires formes d’alliance entre le pouvoir et l’argent.



D’ailleurs, on peut dire que la révolution a réellement fait tomber le régime dans son ensemble, bien que de nombreux éléments de sa structure restent présents et se chargent d’ailleurs de mener ce que l’on peut appeler la « contre révolution ». Il est alors clair que les événements qui ont débuté en Égypte le 25 janvier 2011 relèvent d’une « Révolution », et d’ailleurs d’une « grande et belle Révolution », d’une « Révolution blanche » (tout le sang versé n’entache que les mains du régime, de ses complices et de ses agents à compter parmi les hommes d’affaires).



La révolution du 25 janvier 2011 mérite ce qui a été dit à son sujet par nombre des plus grands dirigeants de la planète. Ils ne se sont pas contentés de la qualifier de « magnifique révolution » mais ont encore salué la volonté, la détermination, le génie et le pacifisme par lesquelles elle s’est caractérisée. Beaucoup d’entre eux ont d’ailleurs appelé à tirer profit des enseignements de cette révolution au sein notamment des instituts scientifiques de leurs pays respectifs.



II – Contexte et cause de la révolution



Sans aucun doute, la première moitié de l’ère Moubarak en Égypte (1981–1996) fut tyrannique sur le plan politique et marquée par la stagnation sur le plan économique et social. Et pourtant, aucune force alors ne plaidait pour une révolution contre le président Moubarak qui dirigeait seul le pays. Quant à la seconde période, elle se caractérisa par la participation au pouvoir de sa famille, et notamment de sa femme et de son fils cadet, et ce, à tous les niveaux. Le fils cadet du président se chargea alors de constituer une oligarchie fondée sur une alliance entre des hommes politiques et de riches hommes d’affaires. L’influence et l’autorité de cette oligarchie ne cessèrent alors de croître au point d’en faire la vraie détentrice du pouvoir à l’intérieur du pays (les affaires étrangères étant laissées au président). Durant ces années, la tyrannie politique et la corruption financière ont atteint des niveaux jamais rencontrés par les Égyptiens dans l’histoire moderne du pays. Or, cette alliance a commis sa plus grande faute en 2010, quand le fils cadet du président s’est porté au secours du secrétaire général du parti au pouvoir, à savoir Safwat El–Chérif, et de l’homme d’affaire dont il était le plus proche, Ahmed Ezz, alors soupçonnés par l’ensemble des Égyptiens de fraude électorale à deux reprises, lors des élections au Conseil consultatif[1][J1] et surtout, lors des élections à l’Assemblée du peuple.[2] Ils s’accaparèrent alors de 98% des sièges de l’Assemblée du peuple pour leur camp et en laissèrent à peine 2% pour le reste de la représentation nationale ! Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Revenons alors sur le contexte de cette époque…Durant la seconde moitié de l’ère Moubarak, ce dernier s’était affaibli face à sa famille, et notamment face sa femme et son fils cadet, leur permettant ainsi de participer davantage à la gestion de la vie politique, économique, sociale, culturelle et éducative du pays. Il finit alors par leur céder la plupart de ses prérogatives en se contentant de la gestion des affaires étrangères. Cela laissa la place à la constitution d’une alliance diabolique entre le pouvoir et l’argent qui s’est gavée de la corruption, dans toute l’Égypte et à tous les niveaux, durant plus d’une décennie. L’« orgie de la corruption » culmina alors, à des niveaux jamais vus, dans la fraude électorale lors des dernières élections parlementaires, quelques semaines seulement avant que ne se lève la tempête révolutionnaire le 25 janvier 2011.

III – La révolution était-elle prévisible ?



Ces dernières années, j’ai eu l’occasion de visiter et d’intervenir dans la plupart des plus grandes facultés, des plus grands instituts et centres d’études américains ou européens qui s’intéressent au Moyen Orient. J’ai pu constater que l’ensemble de leurs experts prévoyaient en effet l’éclatement d’une révolution en Égypte, mais ils prévoyaient alors, tout comme je le pensais moi-même, qu’elle soit menée par les bidonvilles ou par les mosquées. Or, il n’en a rien été. Au départ, cette révolution, qui n’en portait pas encore le nom, a été déclenchée par les enfants de la classe moyenne qui, pour la plupart d’entre eux, sont diplômés de l’université. Ils sont tous également des utilisateurs avertis des nouvelles technologiques contemporaines dans le domaine de l’information et de la communication. Et c’est d’autant plus parce que ces jeunes appartiennent à la génération des technologies de l’information, et notamment d’Internet, de Facebook ou de Twitter, qu’ils ont pu comprendre deux choses : d’abord, la citoyenneté et tout ce qu’elle implique ; ensuite, le rôle supposé d’un gouvernement. Ainsi, la plupart des jeunes de cette génération connaissent les droits des citoyens et citoyennes bien plus que les générations précédentes et sont, en même temps, avisés du fait que le rôle d’un gouvernement est de servir et non pas de régner. Ils font clairement la différence entre les gouvernements « qui servent » dans les pays développés et les gouvernements « qui règnent » dans des pays comme l’Égypte.



IV – Le 25 janvier 2011



Malgré l’arsenal à la disposition de la Sûreté Nationale, malgré le renforcement spectaculaire du nombre de fonctionnaires au service du ministère de l’Intérieur ces dernières années (ils sont passés de cent mille en 1981 à plus d’un million début 2011), malgré l’espionnage, les mises sur écoute et le contrôle de l’ensemble des moyens de communication comme de la plupart des médias, la révolution du 25 janvier 2011 a eu lieu. Et elle s’est organisée autour d’une seule arme, une volonté d’acier, qui, dès le début, a réalisé de manière prodigieuse le rassemblement du peuple. Tous ces éléments méritent d’être étudiés tout comme ils méritent d’être célébrés. De même, quand l’État policer s’est chargé de couper l’accès à Facebook et à Internet, de bloquer les SMS, et enfin d’interrompre les réseaux de téléphonie mobile (autant d’agissements méprisables, indignes de gouvernements respectables et respectueux du peuple, et qui devront être jugés devant un tribunal), la révolution s’est tout de même frayée un chemin comme si elle suivait une « partition de musique » déjà écrite. Bref, la « connaissance » a vaincu la primitivité d’un pouvoir déconnecté de son époque. Les dirigeants du mouvement « Kefaya[J2] » m’ont raconté à quel point ils désespéraient depuis des années d’être un jour capables de convaincre, ne serait-ce que mille personnes, de se rassembler pour une protestation. Et voilà que les jeunes du 25 janvier sont passés du rêve d’une manifestation de quelques milliers à une révolution de millions de personnes rassemblées sur une même place ! Et ce, pour la simple et bonne raison qu’ils ont vaincu la peur et ont cru en leur message et en eux-mêmes, en même temps qu’ils ont compris que leur ennemi était fort en apparence mais très vulnérable en réalité.



V – Une révolution pour la liberté, et non pas pour le pain



Bien qu’il soit important pour l’homme de vivre dans de bonnes conditions, la « dignité » et la « liberté » ont devancé le « pain » et l’« emploi » dans les motifs de la révolution du 25 janvier 2011. En réalité, il existe une relation étroite entre ces deux types de considérations, bien comprise par les jeunes de la révolution. L’absence de garantie de conditions de vie dignes pour le peuple égyptien est le résultat d’un régime politique qui a empêché l’émergence des conditions de la liberté et a sabré à la racine la dignité des citoyens. En effet, les peuples jouissant de libertés et de dignité humaine participent à la vie politique, peuvent changer leurs dirigeants, modifient les règles du pouvoir et en fin de compte, garantissent à tous les citoyens et citoyennes le respect des droits humains qui permettent une vie digne, dans tous les sens du terme (qu’il s’agisse d’accéder à un logement, à la nourriture, de former une famille, d’élever ses enfants ou encore d’accéder aux soins médicaux, etc.).

VI – Revendications de la révolution



Les revendications de la révolution étaient, en premier lieu, politiques (liberté, dignité, participation citoyenne, justice sociale). D’autre part, elles étaient intérieures. Les révolutionnaires ne se sont pas trompés dans la teneur des grands slogans relatifs aux questions étrangères. Leur plus grand souci était la réforme au sein de la nation, et non pas la réforme des affaires mondiales. Or, savoir correctement établir ses priorités est un signe de maturité et de pondération intellectuelle.

VII – Une révolution civile

Dès le premier instant et jusqu’au renversement du président au pouvoir par la révolution, celle-ci aura été « uniquement civile » à tout égard. Et dans les quelques cas où se sont élevés des slogans religieux, la foule les fit rapidement taire par un tonnerre d’acclamations : « civile… civile ».

L’un des points positifs de cette grande révolution est la mise au jour du poids réel de plusieurs institutions : le gouvernement du président Moubarak, les partis politiques de l’opposition qui se sont formés sous son mandat et enfin le mouvement des Frères musulmans. Bien qu’on ne puisse pas nier la présence et l’influence de ce mouvement, il est cependant apparu clairement face au monde entier que le régime avait à dessein exagéré l’importance des Frères musulmans. Il s’agissait d’effrayer le reste de la planète dans le but essentiel d’enraciner l’idée que le président Moubarak représentait la seule alternative face aux Frères musulmans.

VIII – Jours de révolution

Des dizaines d’articles et d’ouvrages seront publiés dans les mois et années qui viennent sur ce qui s’est passé durant les jours de la révolution et tous ces détails feront alors ressortir la beauté du peuple égyptien. Mais ce qui m’importe ici est d’exprimer ce qui m’est apparu personnellement comme témoin présent place Tahrir. D’abord, j’évoquerais la volonté et la détermination déployée par les Égyptiens pour arriver à leurs fins (toutes qualités dont beaucoup les croyaient alors dépourvus). Deuxièmement, l’harmonie, la fraternité, la solidarité, la coopération, l’entraide ont atteint un niveau dont, à mon avis, le monde n’a jamais témoigné jusqu’à ce jour. Troisièmement, une persévérance d’ampleur mythique qui fit face aux forces d’oppression diaboliques menant la guerre à leur peuple au moyen d’armes, de véhicules, de cavaliers et de chameliers rémunérés, ou encore de cocktails Molotov. Pendant près de trois semaines, la « Persévérance des révolutionnaires » est restée égale à elle-même tel le granite que les Anciens Égyptiens s’efforçaient de dompter. Quand on écrit l’histoire de cette révolution, il faut bien mettre l’accent sur les crimes du gouvernement du président Moubarak. Il suffit de citer la tentative de terroriser les révolutionnaires par l’attaque barbare commise par des hommes de la Sûreté, un grand nombre de repris de justice, et des propriétaires de chevaux et chameaux - utilisés en temps normal pour les touristes[J3] . Cette attaque barbare a été organisée et financée par des hommes du pouvoir et des hommes d’affaires qui y étaient liés, et il est impératif que ces hommes soient jetés en prison pour le reste de leur vie après avoir été jugés devant un tribunal équitable, et non pas un tribunal militaire devant lequel le régime de Hosni Moubarak avait l’habitude de faire juger les civils.

IX – La chute incroyable de la police égyptienne

Durant la révolution du 25 janvier, j’ai été témoin de la chute invraisemblable de l’appareil policier égyptien. Le régime avait dépensé des dizaines de milliards de livres égyptiennes pour la police, sans compter tout l’équipement et autres armes, au point d’en faire pour ainsi dire une armée. Par ailleurs, le régime avait augmenté le nombre de fonctionnaires de la police au point de dépasser le million d’officiers, de policiers, de soldats et de conscrits. Durant ces jours, j’ai réellement pu mesurer l’état de désagrégation et de pourriture de cet immense appareil dont le ministre avait substitué la mission « servir le peuple » par celle de « servir le régime ». L’agression commise par cet appareil policier contre le peuple est à l’évidence ce qui a causé son incroyable chute. Mais je tiens à souligner que la police comptait aussi, et compte toujours, d’honnêtes citoyens totalement dévoués au service de la nation et de leurs concitoyens. Or, c’est la direction de la police, autrement dit les ministres de l’Intérieur de l’ère Moubarak, et celui qui était à leur tête, en l’occurrence Moubarak lui-même, qui ont perverti la mission de la police en l’amenant à se focaliser sur la sécurité politique au détriment de la sécurité pénale. Et ce sont ces dirigeants dont les seules préoccupations étaient la corruption et l’affaiblissement de la société –et je parle comme quelqu’un qui a connu personnellement tous les ministres de l’Intérieur égyptiens des trois dernières décennies– des incompétents aux connaissances très limitées et à l’esprit étriqué qui étaient à la charge lors des événements, de ce que l’on a appelé, les tensions interconfessionnelles. De même, ils ont eu recours à la loi d’état d’urgence avec le seul but de protéger les hautes sphères du pouvoir et non pas l’Égypte et les Égyptiens. Ainsi, beaucoup de ces ministres de l’Intérieur ont pris part à la diffusion du plus grand mensonge de notre époque, à savoir que ce régime était la seule alternative aux démons islamistes. Vu qu’il manquait aux dirigeants du régime et de la sécurité une connaissance historique et culturelle, ils ont traité uniquement ces démons islamistes[J4] d’un point de vue sécuritaire sans considérer l’aspect culturel et celui des rapports de force politiques. Et même du point de vue sécuritaire, les agissements du régime à leur encontre étaient bien souvent illégaux et relevaient même de l’oppression, de l’extrême bêtise, de l’impulsivité et de l’étroitesse d’esprit. À mon avis, le ministre de l’Intérieur est la seule personne à blâmer et non pas ses officiers ou ses soldats. On ne peut pas leur reprocher les politiques menées, les directions prises, les buts recherchés par leurs autorités et précisément par le ministre de l’Intérieur, Habib El-Adly.

X – L’alliance du pouvoir et de l’argent

De nombreux dossiers scandaleux qui concernent ces trois dernières décennies (1981-2011) et qui s’appliquent à tous les plans de la société peuvent et doivent être maintenant révélés au peuple égyptien. À mon avis, le dossier le plus important et le plus dangereux concerne cette alliance du pouvoir et de l’argent durant la seconde moitié du règne de Moubarak, soit à partir de 1996. C’est une fois le fils cadet de l’ex-président rentré du Royaume-Uni que les traits de cette alliance se sont petits à petit dessinés. Cette alliance se fonde sur l’appropriation de la vie politique et économique de l’époque par quelques hommes du pouvoir liés à quelques hommes d’affaires. Ceux-ci ont alors pris le pas sur le parti au pouvoir, à l’intérieur duquel ils ont constitué une entité distincte appelée Comité des politiques. Puis, ils ont commencé à investir d’autres domaines et secteurs économiques importants. En quelques années, la plupart des directeurs de banques sont devenus membres de cette alliance. Ils ont ensuite étendu leur influence à la presse et aux médias nommant certains de leurs membres à la tête de nombreuses agences de presse et de télévision, leur permettant ainsi de largement influencer l’opinion publique égyptienne. Au cours d’une seconde phase, cette alliance diabolique s’est introduite au cœur de nombreuses institutions importantes à la tête desquelles, les universités. Cette alliance a été la malédiction de l’ex-président et c’est elle qui a fait naître dans la tête et le cœur des jeunes l’esprit de la révolution. Et c’est elle qui a mis fin à l’épisode Moubarak et à son esprit à l’origine des maux d’une époque parmi les pires de l’histoire égyptienne. Il ne fait aucun doute que les Égyptiens ont rendu un grand service à leur pays et aux générations futures, notamment en exigeant l’ouverture d’enquêtes sur les dossiers politiques et économiques afin de condamner toute personne ayant violé la loi de quelque manière que ce soit, et notamment par le pillage du pays, ou la diffusion de la corruption durant les trente dernières années. Et la définition de corruption doit englober toute augmentation de fortune résultant de la collusion avec le pouvoir.

XI – Série de concessions accordées par le régime face à la tempête révolutionnaire

Le fait d’être resté longtemps au pouvoir et le manque de culture sont les causes principales pour lesquelles les dirigeants de l’ancien régime n’ont pas compris l’étendue et le but de la révolution qui s’est déclenchée le 25 janvier 2011. Cette incompréhension a mené ces dirigeants à penser qu’ils étaient face à des « manifestations » pouvant être surmontées par des mesures sécuritaires accompagnées de concessions : limogeage du gouvernement (celui de Ahmed Nazif), nomination d’un vice-président (afin d’occuper le poste pour lequel l’ex-président avait cherché en vain pendant plus d’un quart de siècle la bonne personne), annonce du fait que le président et son fils ne se présenteraient pas aux élections présidentielles de septembre 2011, limogeage des dirigeants du Parti national (les plus détestés par les Égyptiens) et enfin délégation des pouvoirs du président au vice-président. Or, ces miettes n’ont pas été suffisantes pour calmer la révolution. Cependant, nous remercions le fils du président pour avoir été à l’origine de l’alliance du pouvoir et de l’argent sans laquelle le peuple égyptien n’aurait pas atteint ce degré de colère critique à l’origine de la révolution et contraire à la nature calme des Égyptiens que d’aucuns disaient fatalistes. Nous remercions également les dirigeants de ne pas avoir compris ce qui se passait, car dans la situation inverse, ils auraient certainement pris des mesures coercitives menant à encore davantage de victimes innocentes (ceci ne remettant aucunement en cause la cruauté par laquelle ils ont tué plus de trois cents Égyptiens. Ces assassins doivent être jugés et pendus).

XII – Discours de l’ex-président durant la révolution

Durant la révolution, les trois discours de l’ex-président ont mis au jour beaucoup des sentiments et des pensées qui l’attachaient à son pays et à son peuple. Ils ont révélé une obstination ne pouvant résulter que d’une étroitesse d’esprit. Ils ont également démontré que l’ex-président se pensait en bienfaiteur de l’Égypte, responsable de ses nombreux progrès (!). Ils ont montré un orgueil qu’il n’avait jamais dévoilé à ce point jusqu’alors. Enfin, ils ont montré son insistance curieuse à refuser de voir la réalité. L’ex-président n’a jamais appelé les événements passés par le terme de « révolution » et n’a jamais fait référence à l’oligarchie qui a entraîné la révolution glorieuse du 25 janvier. De surcroît, il n’a jamais mentionné la fraude aux élections du Conseil consultatif et aux élections de l’Assemblée du peuple. Cette fraude représentait pourtant la plus grande offense à l’encontre du peuple égyptien. De plus, l’ex-président n’a présenté aucune excuse publique au peuple pour ce qu’il a perpétré contre lui, avant et durant la révolution. De même, il n’a pas présenté ses excuses, après que son régime a tué plus de trois cent Égyptiens. En outre, il faisait patienter des heures entières le peuple avant de daigner prononcer des discours annoncés et très attendus. Une preuve supplémentaire, s’il en fallait, du manque de respect pour son peuple. Enfin, son dernier discours (24 heures seulement avant sa démission) restera comme le pire discours qu’il n’ait jamais prononcé, depuis son arrivée au pouvoir le 14 octobre 1981. Et je suis certain que ces discours feront l’objet d’analyses et de commentaires nous permettant d’en tirer des dizaines de leçons.



XIII – Incompréhension…dédain…obstination…chute…démission



Pendant la révolution, le régime a prouvé par son comportement son incompréhension fondamentale de ce qui se passait, une incompréhension qui le menait à toujours plus de dédain et renforçait la réputation de l’ex-président et de son « obstination légendaire » dont il était fier. Cette réalité a permis aux révolutionnaires (qui ont fait preuve d’une bravoure et d’une persévérance admirable) de parvenir à leur première victoire, à savoir la démission de l’ex-président. Et je parle de première victoire car la révolution a d’autres objectifs, non moins important que le premier, mais qui n’ont pas encore été réalisés.



XIV – Chute du président…débâcle du régime mais pas encore sa chute



Sans aucun doute, la révolution du 25 janvier a réussi à la fois à renverser le président, et à défaire le régime…mais de manière encore incomplète. Les figures, les hommes, les méthodes et les objectifs des institutions publiques du régime sont toujours présents. Il est probable que ce soit la seule alternative au chaos et au vide. Or, les prochains six mois seront déterminants : le régime déchu parviendra-t-il à réinstaller un nouveau régime avec les mêmes caractéristiques que l’ancien, ou bien les forces armées (espoir du peuple égyptien) réussiront-elles à gérer la situation de manière à lancer une toute nouvelle ère pour l’Égypte à compter du 14 octobre 2011[J5] ? Une nouvelle ère dans laquelle les Égyptiens jouiront d’une grande liberté politique et participeront à la marche du pays et à son avenir…Une nouvelle ère dépourvue de corruption et sans alliance du pouvoir et de l’argent...Une nouvelle ère dans laquelle les présidents alternent au pouvoir, rendent des comptes et composent des gouvernements au « service du peuple » ?

XV – Les Forces Armées

Sans aucun doute, les forces armées ont protégé la révolution et le peuple dans son ensemble de beaucoup des maux que le président et quelques dirigeants à la tête des institutions politiques et sécuritaires n’auraient pas hésité à commettre pour rester au pouvoir. Dans ce contexte, toutes les décisions et mesures prises par l’armée ont été inspirées par le patriotisme, l’amour du peuple et la sauvegarde des installations et des richesses de l’Égypte. Et tout cela a été fait avec beaucoup d’amour et de délicatesse. Nous espérons que l’armée transmettra le pouvoir à un président élu par des élections libres et transparentes, ainsi qu’à un gouvernement civil regroupant des personnes qualifiées afin d’ouvrir la page d’une ère meilleure pleine de libertés, de probité et de transparence ; une époque où quiconque acceptera d’avoir à répondre à des questions.

Bref, il s’agissait d’esquisser une « image panoramique » de la plus splendide révolution dans l’histoire de l’Égypte… Je rédigerai un autre article dans lequel j’aborderai ce qui devrait être fait durant cette phase transitoire.










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[1] Le Sénat égyptien

[2] L’Assemblée nationale égyptienne


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[J1]Peut-on les définir comme je l’ai fait en note pour donner des repères au lectorat français ?

[J2]à préciser pour un lectorat français en note

[J3]préciser de quelle attaque il s’agit

[J4]préciser qui ! les Frères Musulmans ou d’autres ?

[J5]à expliquer




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