La carte cognitive et le découpage des territoires.

DARREHMANE BOUDRISS
2010 / 2 / 13


La carte cognitive, selon les psychologues cognitivistes est une représentation mentale d’un environnement physique que l’organisme construit lors d’un apprentissage complexe. Cette carte concerne aussi bien le processus d’apprentissage des individus que l’adoption des plans stratégiques ou des découpages des territoires par les instances décisives de l Etat. Cinq exemples peuvent expliquer la force immanente du pouvoir de la carte cognitive sur le découpage du territoire:
1- les Etats-Unis par exemple, à un certain moment de leur histoire, et après moult réflexions et luttes, ils ont conçu leur pays sous forme de 50 Etats. Est-ce l effet de l’histoire ou tout simplement l effet de la carte cognitive de l’époque ?
2- Après la deuxième guerre mondiale, il eût la guerre froide qui divisât le monde en deux ? Est-ce l effet de l’histoire ou tout simplement l effet de la carte cognitive de l’époque ?
3- Apres l apparition de la guerre froide, il y eût aussi l’apparition du bloc des pays non alignés ? Est-ce l effet de l’histoire ou tout simplement l effet de la carte cognitive de l’époque?
4- les Etats Européens à un moment de leur histoire, ils ont décidé de préparer leur union ? Est-ce l effet de l’histoire ou tout simplement l effet de la carte cognitive de l’époque?
5- Actuellement les Etats-Unis pensent reconstruire le Grand Moyen Orient. Est-ce l effet de l’histoire ou tout simplement l effet de la carte cognitive actuelle?
Autant de questions auxquelles on devrait trouver des réponses dans les structures mentales de la cartographie cognitive.
Puisons un peu dans l Histoire.
En 1908 la cartographie cérébrale de brodmann est définitivement adoptée, elle dévoile 52 zones cérébrales ; coïncidence ou pur hasard le nombre des zones corticales de brodmann est presque le même que celui du nombre des Etats d’Amérique. Les américains, en optant pour ce découpage fondé sur cinquante morceaux aussi bien du cerveau que de la géographie obéissent-ils à une force latente qui leur fait admettre la réalité du cerveau et du territoire sous le même chiffre. Si oui quelle est cette force si ce n est la corte cognitive de l époque. Le cerveau est lui aussi une géographie cognitive, mais une géographie qui impose à la vraie géographie sa propre puissance. La puissance des neurones.
Les cartes cognitives ne sont pas stables, elles changent souvent selon les nouvelles donnes. Après les années soixante-dix du vingtième siècle, une nouvelle cartographie commence à prendre consistance, elle tourne autour de l idée forte de la présence de colonnes cérébrales au sein du cerveau humain. La présence de ces colonnes se dévoile par la présence de deux types de cellules neuronnales: les cellules étoilées et les cellules pyramidales."les cellules "pyramidales", nous apprend Jean-Pierre Changeux, se reconnaissent par leur corps cellulaire conique, leur dendrite apicale qui part verticalement vers la surface du cortex, et leurs dendrites basilaires en forme de racines; leur axone s enfonce en profondeur et sort, finalement, du cortex. Les cellules étoilées restent à l intérieure du cortex. Elles portent des noms suggestifs de la diversité de forme de leurs arborisations"[i]. Grâce à la longueur, la taille et la ramification des cellules pyramidales, l idée de l existence de colonnes ramifiées de communication cérébrale prend forme et consistance, et comme l explique Jean-Pierre Changeux hors du cortex…
Les cellules étoilées qui ne quittent pas l enceinte du cortex sont diverses. Changeux décrit l une d entre elles comme suit: "à double bouquet dendritique dont le cylindre axe(ou axone) s épanouit en une arborisation extrêmement touffue"[ii].Il décrit une autre cellule étoilées comme suit: "à cylindraxe court et ramifié en longues branches horizontales"[iii]
L adoption de l idée de la présence de colonnes et d étoiles de communication au sein de la boite crânienne s est conçue comme un grand dépassement de la théorie de spécification et de localisation des zones corticales. Cette nouvelle conception neurologique a eu beaucoup de retombées sur les domaines économiques et politiques. A vrai dire, il est très difficile de dire qui de ces domaines a transféré à l autre son modèle de pensée. La théorie de la spécification des zones corticales, cette théorie purement atomiste, correspond parfaitement à des modèles de conception politique et économique. Ainsi par exemple, l idée de l Etat Nation, durant la période qui s étale de la première guerre mondiale jusqu aux années soixante du vingtième siècle doit son exploit à l atomisation du système de communication cérébrale. Les Etats ne sont conçus que comme des petites entités telles que les cellules étoilées décrites par jean pierre Changeux qui ne survivent qu au sein du cortex.
Durant un siècle on a vu succédé quatre type d Etat qui ne sont entre autres que la prolongation épistémique de l exploration des cellules cérébrales. On est passé de l Etat Nation à l Etat local, et puis de l Etat local à l Etat continental pour arriver enfin à l Etat mondial.
Le passage de l Etat nation à l Etat local se comprend dans le domaine de la science neurologique par le passage de l idée de L atomisation des entités cérébrales à l idée de l admission de l existence du fonctionnement de ces mêmes entités par intérim: une zone corticale en hibernation, par exemple celle de la vision pour les non-voyants, transfère son pouvoir de fonctionnement à une autre zone corticale, celle du toucher ou de la parole. Le fonctionnement par intérim, qui n a pas en réalité succédé à la théorie de spécification corticale, mais qui a cohabité avec elle, transfère lui aussi son pouvoir de concevoir a l économique et au politique. La conception de la réalisation de l idée du protectorat au Maroc, ou l idée de donner conseil par le FMI par exemple a un pays pour adopter les même mesures économiques et politiques appliquées par un autre pays pour s assurer les privilèges du progrès, est en quelque sorte un type de fonctionnement par intérim adopté grâce à la nouvelle carte cognitive et qui a amplement besoin de l existence de l Etat local.
Apres la valorisation de l atomisation des entités cérébrales au début et puis par la suite l admission de l idée du fonctionnement par intérim, actuellement, c est à dire depuis les années quatre-vingt ce qui est très valorisé c est l admission de la présence de colonnes cérébrales, c est à dire le regroupement des cellules pyramidales. Cette idée structure l espace géopolitique du globe terrestre. On assiste sur le plan économique à l ébranlement du capital-nation, à la disparition graduelle de l Etat nation et à l apparition des grands espaces économiques et des grandes nations continentales comme celle de l union européenne, ou celle des regroupements financiers, ou celle encore des zones commerciales du libre échange. Ainsi, il faut admettre que le monde se conçoit comme une pure et simple carte cognitive, et il faudrait aussi faire valoir le mental au détriment du réel. Si les anciens locataires de la maison blanche se battaient pour imposer une nouvelle carte du moyen orient c est qu ils étaient sous le joug d’une nouvelle carte cognitive dont les soubassements et les présupposés laissent croire à l’unique éventualité de ne pas négocier le futur monde.
Etrange! en une seule journée toute l Espagne s est vue basculer vers la gauche, et, par là, contre ce qui s était conçu à une date récente comme allant de soi: la guerre "légitime" en Iraq, la guerre "légitime" contre les intérêts suprêmes d’un certain Maroc, après une journée de vote, après l avènement au pouvoir de la gauche dirigée par un certain Zapatero rien de ce qui se concevait auparavant comme allant de soi n est concevable…
Les politiques obéissent-elles uniquement aux principes des intérêts comme tout le monde le croit, ou sont-elles aussi le fruit des cartes cognitives?
Au sein de notre dépôt intellectuel, entre les interstices de la géographie des neurones, s installe une immanence qui à chaque fois devant une situation à résoudre elle prête à cette autre géographie une façon d interpréter et de comprendre. A la façon des plantes, cette immanence est sans doute une sève qui irrigue et jalonne tous les parcours et les entrailles ?
Les colonnes cérébrales qui s assemblent et s étendent depuis le tronc jusqu aux extrémités des limbes, et à travers tous les sillons et toutes les circonvolutions, les protéines qui les font nourrir que véhiculent-elles? Si non des mots et des modules.
Le module religieux
Etrange! Le chiffre quatre est un chiffre énigmatique de l’ossature religieuse en général. Effet du hasard ou effet de la géographie des neurones. Les trois religions monothéistes, chacune d’elle, repose son socle sur quatre dogmes référentiels bien distingués. Le christianisme reconnaît quatre évangiles, l’islam aussi admet quatre dogmes :
Le dogme malékite
Le dogme hanafi
Le dogme wahhabi
Le dogme chiite



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[i] Jean-Pierre Changeux, L homme neuronal, p62,Hachette Littérature,1983
[ii] Ibid.
[iii] Ibid.




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